Recours indemnitaire à la suite de l’annulation d’une décision de préemption
Dans le cadre de la jurisprudence commune de Fayet (CE, 15 mai 2006, req. n° 266495), le titulaire du droit de préemption peut être condamné à indemniser le préjudice, notamment lié au retard dans la vente, à la condition que la vente soit suffisamment probable.
En cas de condition suspensive liée à l’obtention d’un prêt par l’acquéreur, il convient pour le vendeur qui souhaite être indemnisé qu’il établisse que l’acquéreur l’avait obtenu.
Une Cour se montre sévère dans l’appréciation de cette condition : « En premier lieu, il résulte de l’instruction que M. C… F… et Mme A… ont signé une promesse de vente, le 30 janvier 2017, pour un pavillon d’habitation situé 18 bis rue Génin à Saint-Denis, élevé sur une surface d’environ 48 m2 au profit de M. G… et de Mme B…, pour un prix de 240 000 euros. Si ce bien a finalement été cédé au profit de ces mêmes personnes après renonciation par l’EPT Plaine Commune à son droit de préemption le 26 décembre 2017 au prix de 180 000 euros, il n’est pas établi que la vente initiale était probable au montant indiqué dans la promesse, dès lors que, quand bien même le taux d’effort des bénéficiaires n’était que d’un peu plus de 8 %, la promesse était consentie sous conditions suspensives, en particulier que les bénéficiaires obtiennent un prêt d’un montant maximal de 240 000 euros au taux nominal d’intérêt maximum de 1,6 % l’an hors assurance, alors que l’offre de prêt du 3 mars 2017 produite pour la première fois en appel par Mme A… démontre que les bénéficiaires ne disposaient que d’une offre de prêt au taux nominal de 1,75 % hors assurance. Dès lors, la demande présentée au titre du préjudice tiré de la diminution du prix de vente du bien et de l’impossibilité de disposer des sommes tirées de la vente ne peut qu’être rejetée.
» (CAA Versailles, 10 décembre 2021, EPT Plaine commune, req. n° 20VE01217).
La même exigence d’une vente suffisamment probable a également été opposée au transactionnaire qui, du fait d’une décision de préemption, ensuite annulée, n’a pu réaliser la vente et a donc perdu sa commission. Selon la Cour : « Il ressort de la promesse de vente consentie le 19 juillet 2007 par le groupement foncier agricole Domaine Saint-Joseph qu’elle n’engageait que ce dernier, la SARL La Source demeurant libre, jusqu’au 31 mars 2008, de demander ou non la réalisation de cette promesse, « suivant ce qui lui conviendra », sans aucune pénalité financière. La propriété en cause, dont la superficie et le prix de vente exacts n’étaient pas déterminés, faisait l’objet d’un bail à métayage sans terme prévu, la SARL La Source devant engager des discussions avec le fermier dans le but d’obtenir la libération des lieux. L’acquéreur devait en outre obtenir un prêt pour réaliser l’opération, dont aucune caractéristique n’était définie. Enfin, une servitude de passage et de réseaux divers devait, avant toute réitération de l’éventuelle vente par acte authentique, être établie au profit du groupement foncier agricole Domaine Saint-Joseph demeurant propriétaire de l’habitation construite sur la parcelle, de même que le droit de préemption du fermier devait être purgé. Dans ces circonstances, contrairement à ce que soutient la SARL Cuers Immobilier, il ne peut être tenu pour suffisamment probable qu’en l’absence de la décision de préemption du 25 septembre 2007, la vente projetée serait intervenue. Dès lors, le préjudice tenant à l’absence de perception de la commission prévue au mandat exclusif de recherche ne peut en tout état de cause être regardé comme en lien direct et certain avec cette décision. Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’exception de prescription, la SARL Cuers Immobilier n’est pas fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. » (CAA Marseille, 10 mai 2021, SARL Cuers Immobilier, req. n° 19MA03123).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public