Obligation de proposer le bien à l’acquéreur évincé après annulation d’une décision de préemption

L’article L. 213-11 du code de l’urbanisme impose que : « Les biens acquis par exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés pour l’un des objets mentionnés au premier alinéa de l’article L. 210-1, qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption. L’utilisation ou l’aliénation d’un bien au profit d’une personne privée autre que le concessionnaire d’une opération d’aménagement ou qu’une société d’habitations à loyer modéré doit faire l’objet d’une délibération motivée du conseil municipal ou, le cas échéant, d’une décision motivée du délégataire du droit de préemption. (…) Si le titulaire du droit de préemption décide d’utiliser ou d’aliéner pour d’autres objets que ceux mentionnés au premier alinéa de l’article L. 210-1 un bien acquis depuis moins de cinq ans par exercice de ce droit, il doit informer de sa décision les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel et leur proposer l’acquisition de ce bien en priorité. »

Cet article est souvent mal compris et se révèle en réalité très peu protecteur de l’acquéreur évincé, qui n’a, en réalité que très peu de droit.

L’arrêt commenté l’illustre dans l’hypothèse d’un bien préempté pour réaliser des logements, bien finalement revendu pour réaliser un local professionnel à une société souhaitant se développer. 

Pour la Cour : « Il ressort explicitement du premier alinéa de l’article L. 213-11 du code de l’urbanisme que si les biens acquis par préemption doivent être utilisés ou aliénés pour l’un des objets mentionnés au premier alinéa de l’article L. 210-1 du même code, cet objet peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption. En l’espèce, si la commune des Rosiers-sur-Loire avait initialement décidé de préempter la parcelle cadastrée BC 508 pour la réalisation d’un programme d’habitat collectif, ces dispositions législatives lui permettaient ensuite de l’utiliser pour un objet distinct dès lors que celui-ci était compris dans le champ de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme. Par suite, M. C… n’est pas fondé à soutenir que la délibération contestée serait irrégulière du fait d’un changement d’objet de l’utilisation de cette parcelle. » (CAA Nantes, 2 juillet 2021, commune de Genne Val de Loire, req. n° 20NT02159).

De même, la Cour de cassation admet qu’un bien préempté en vue de « la constitution de réserves foncières et la mise en œuvre des opérations de renouvellement urbain en vue d’accroître la part de logements sociaux » puisse être revendu à une société qui n’a réalisé que 6 logements sociaux, constitués de studios ou de 2 pièces « dès lors que l’objectif d’accroissement de la part de logements sociaux était atteint » (Civ. 3eme, 27 mai 2021, SIMF, pourv. n° 20-10.620).

 

Benoît Jorion

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public