Préemption des espaces naturels sensibles

Bien qui ne constitue pas un espace naturel sensible : « Il ressort des pièces du dossier que l’ensemble immobilier préempté par la commune, d’une superficie proche de 4 000 mètres carrés, est une propriété clôturée, comprise dans un hameau, comportant pour l’essentiel une maison individuelle et d’autres constructions particulières pour une surface au sol totale de 240 mètres carrés, une piscine avec des abords en béton, des voies d’accès pour les véhicules, des surfaces gazonnées et de la végétation d’agrément. Il ne présente donc pas le caractère d’un espace naturel sensible à protéger, quand bien même il serait au voisinage de tels espaces. Si la commune fait valoir qu’elle souhaite restaurer le site anthropisé pour lui restituer le caractère d’un espace naturel, cet objectif n’est pas au nombre de ceux pouvant justifier l’exercice du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles en application de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme. En outre, ni le projet de transformation des constructions en  » maison des randonneurs « , pour digne d’intérêt qu’il soit, ni l’aménagement d’un local destiné à servir de base aux patrouilles motorisées de la commune, ni la construction d’un parc de stationnement pour les visiteurs ne relèvent de l’objectif de protection des espaces naturels sensibles, d’autant plus que la commune n’établit pas que l’acquisition de l’ensemble immobilier en question serait nécessaire à de tels projets » (CAA Marseille, 8 novembre 2021, commune d’Allauch, req. n° 20MA00222).

Bien qui constitue un espace naturel sensible : « Il ressort des pièces du dossier que la parcelle en litige se situe dans une zone naturelle qui constitue une coupure verte paysagère entre deux zones urbanisées de la commune de Sainte-Marie-de-Ré et qui présente ainsi le caractère d’un corridor écologique assurant la liaison entre le littoral et la vaste zone naturelle située au nord de la commune, permettant la reproduction des espèces locales. En outre, cette parcelle, d’une surface totale de 4 474 mètres carrés, occupe environ 30 % de la largeur de ce corridor écologique à la latitude à laquelle elle se situe. La construction qu’elle comporte est d’ailleurs localisée au centre du corridor, et y crée ainsi une rupture visible, de nature à entraver la reproduction des espèces locales. Ainsi, au regard de sa situation, la circonstance que le terrain est actuellement anthropisé et occupé par des espèces végétales non locales rend, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme D…, nécessaire l’intervention du département, qui a pour objectif de remettre ce terrain à l’état naturel, afin de préserver l’intégrité de l’espace naturel que constitue ce corridor écologique. Dans ces conditions, le terrain que M. et Mme D… souhaitent acquérir est, compte tenu de sa localisation et de la situation de l’île de Ré, nécessaire à la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles du département, alors même que sa constructibilité est limitée par les règles d’urbanisme locales » (CAA Bordeaux, 6 juillet 2021, département de Charente Maritime, req. n° 19BX03479).

Objectifs qui ne permettent pas de préempter : « Pour exercer le droit de préemption dans les espaces naturels sensibles, le conseil municipal de Peypin s’est fondé sur le fait que l’acquisition des parcelles en question, entourées de parcelles communales, permettra de renforcer la maîtrise foncière de la commune sur l’espace forestier de son territoire. Ce motif est étranger aux objectifs prévus à l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme. Le conseil municipal s’est également fondé sur le fait que les parcelles en question sont situées dans une zone fortement exposée au risque d’incendie de forêt. Il ressort cependant des termes de la délibération et des écritures de la commune que l’exercice du droit de préemption ne tend pas particulièrement à protéger les parcelles elles-mêmes, qui sont peu boisées, mais vise à en faire une  » zone coupe-feu  » dans le cadre d’une politique plus générale de prévention des risques naturels. Ce second objectif ne vise pas davantage à la protection des parcelles en question en tant qu’espaces naturels sensibles, et ne peut justifier l’exercice du droit de préemption à ce titre. Ces motifs se substituent à ceux retenus par les premiers juges pour confirmer le bien-fondé du dernier moyen d’annulation. » (CAA Marseille, 8 novembre 2021, commune de Peypin, req. n° 19MA05051)

Benoît Jorion

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public