Les dépenses ne doivent pas être sous-évaluée dans le dossier adressé au préfet
L’article R. 11-3 du code de l’expropriation prévoyait que le dossier adressé au préfet par l’expropriant devait contenir « l’appréciation sommaire des dépenses ».
Le juge administratif sanctionne en conséquence une appréciation insincère des dépenses.
Tel est le cas dans les hypothèses suivantes :
A propos d’un village balnéaire ou seul un sixième des dépenses est mentionné : « Il résulte du rapport du commissaire enquêteur que si le dossier d’enquête publique comportait un document intitulé » appréciation sommaire des dépenses « , celui-ci ne faisait référence qu’à l’évaluation des dépenses liées aux acquisitions foncières de 4 millions d’euros ainsi qu’aux frais d’études, de mise en réseau et paysages et de fouilles archéologiques pour un montant total estimé à 23,5 millions d’euros. Il ressort toutefois des pièces du dossier et des explications de la société Euro Immo Get que l’évaluation sommaire des dépenses liées à la réalisation du projet visé par la déclaration d’utilité publique comprenait également les frais de réalisation du golf pour un montant de 7,2 millions d’euros et le coût estimé du programme immobilier évalué à un montant de 161 millions d’euros et qu’ils sont mentionnés, ainsi que le rappelle la société intimée, dans d’autres documents du dossier soumis à enquête publique. La référence à ces deux postes de dépenses ne figure toutefois, de façon tout à fait incidente, que dans la partie de la notice explicative dédiée aux retombées économiques, pour le premier, et dans la partie de l’étude d’impact consacrée à la justification sociale économique et environnementale du projet, chapitre 4-2 pages 255 et 256 du document qui en comporte plus de 450, pour le second. Le document » estimation sommaire des dépenses » ne faisait ainsi état d’un montant de dépenses qui ne portait que sur moins d’un sixième du montant global de l’opération. Compte tenu des conditions dans lesquelles l’estimation sommaire des dépenses a été présentée et au regard de la sous-estimation notoire des dépenses figurant dans le document censé les récapituler, le public dont il ne pouvait être raisonnablement attendu qu’il aille systématiquement consulter l’ensemble d’un dossier comportant plusieurs centaines de pages en vue d’émettre utilement d’éventuelles observations de nature financière, n’a ainsi pas été mis en mesure d’apprécier le coût réel de l’opération tel qu’il pouvait être raisonnablement apprécié à la date de cette enquête, ce qui l’a privé en l’espèce d’une garantie » (CAA Douai, 3 juillet 2019, GDEAM 62, req. n° 17DA00556).
A propos d’un chemin de randonnée lorsque le coût des travaux est de 36 % supérieur à celui mentionné : « A l’issue des enquêtes publiques conjointes qui se sont déroulées du 12 septembre au 13 octobre 2013, l’une relative à l’utilité publique du projet et l’autre, parcellaire, afin de déterminer avec précision les immeubles nécessaires à sa réalisation, le commissaire enquêteur a émis, le 28 octobre 2013, un avis favorable assorti d’une réserve s’agissant du tracé de la boucle n° 8, la proportion d’engins agricoles empruntant une portion de ce chemin étant selon lui de nature à rendre son utilisation dangereuse pour les randonneurs. Deux enquêtes publiques conjointes et complémentaires ont alors été organisées du 23 juillet au 6 août 2014. L’appréciation sommaire des dépenses figurant au dossier soumis à ces nouvelles enquêtes comprend le montant des travaux déjà réalisés et à réaliser, celui des acquisitions foncières, le temps de travail des agents municipaux ainsi que les frais administratifs des enquêtes publiques, pour une estimation totale des dépenses de 278 637 euros TTC. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le département des Deux-Sèvres a décidé de verser des subventions pour la réalisation de l’itinéraire de randonnée, à concurrence de 40 % du montant hors taxe des actions subventionnables et que, par des délibérations de sa commission permanente en date des 10 juillet 2009, 19 novembre 2009, 19 novembre 2012, 18 novembre 2013, le département des Deux-Sèvres, au vu des dépenses prévisionnelles qui lui étaient présentées, a accordé des subventions de 9 500 euros, 33 942 euros, 37 913 euros et de 46 115 euros, soit une subvention totale de 127 470 euros, représentant 40 % du montant de travaux subventionnables, soit 318 675 euros HT. Ainsi, à la date de la seconde enquête publique, la commune de Mauléon ne pouvait ignorer que le coût des travaux serait supérieur de plus de 36 % à la somme de 278 637 euros TTC, soit 232 974 euros HT, figurant dans l’appréciation sommaire des dépenses du dossier d’enquête publique. Par suite, dans les circonstances de l’espèce, M. H… est fondé à soutenir que l’appréciation sommaire des dépenses a été manifestement sous-évaluée, ce qui a été de nature à nuire à l’information du public s’agissant de l’utilité publique des travaux ». (CAA Bordeaux, 14 novembre 2019, Préfet des Deux-Sèvres, req. n° 17BX03552)
Benoît JORION
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public
Benoit Jorion