Pouvoirs d’appréciation du juge administratif pour proposer le bien illégalement préempté

Trois arrêts du 28 septembre 2020 du Conseil d’Etat ont consacré la possibilité pour le juge administratif d’enjoindre ou non le titulaire du droit de préemption de proposer le bien au vendeur et à l’acquéreur évincé « après avoir vérifié, au regard de l’ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général ».

Il y a lieu d’enjoindre de proposer le bien dans les cas suivant : 

« Il résulte de l’instruction que la parcelle en cause, si elle est la plus adaptée pour répondre à la mise en place d’une station d’épuration, n’est pas la seule et que l’opération envisagée par la commune n’est pas rendue impossible en l’absence de disposition de ladite parcelle par la commune. Par ailleurs, aucune réalisation n’a, à la date de la décision de la Cour, débuté en la matière. » (CAA Marseille, 10 novembre 2021, commune des Martyrs, req. n° 19MA05358).

« L’arrêté du 6 août 2018 se réfère à des objectifs, sans faire état d’un quelconque projet. Il ressort des déclarations du maire de Sanary-sur-Mer lors de la séance du conseil municipal du 27 septembre 2018 que le droit de priorité de la commune n’avait pas été exercé en vue d’un projet déterminé d’action ou d’opération. La commune fait valoir pour la première fois en appel qu’elle entend transférer une base de loisirs sur le site en question. Cependant, Elle n’établit pas la réalité de ce projet à la date à laquelle le maire a exercé le droit de priorité, ce qui contredirait d’ailleurs les déclarations faites au conseil municipal » (CAA Marseille, 10 novembre 2021, commune de Sanary-sur-Mer, req. n° 21MA02539)

En cas de désaccord sur le prix proposé lors de la rétrocession, seul le juge judiciaire est compétent. Le juge administratif peut cependant enjoindre le titulaire du droit de préemption de saisir ce dernier : « Il résulte de l’instruction que le maire de Préaux a proposé l’acquisition du bien à M. et Mme A…, acquéreurs évincés, après le refus des anciens propriétaires. Si M. et Mme A… font état d’un désaccord sur le prix de cession envisagé, compte tenu des dégradations subies par le bien depuis la décision de préemption, il n’appartient qu’au juge judiciaire de fixer ce prix, à défaut d’accord amiable. Par suite, il y a seulement lieu d’enjoindre à la commune de Préaux de saisir la juridiction compétente en matière d’expropriation afin qu’elle se prononce sur ce point. Il y a lieu d’impartir à la commune de Préaux un délai d’un mois afin qu’elle saisisse le juge compétent » (CAA Lyon, 8 juillet 2021, commune de Préaux, req. n° 21LY01245).

Benoît Jorion

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public