Exemples de projets suffisamment réels en cas de préemption

Les projets ont été jugés suffisamment réels dans les cas suivants :

Parking public : « Il ressort des pièces du dossier que par délibération du 20 décembre 2016, antérieure à l’arrêté litigieux, le conseil municipal de Charvieu-Chavagneux a indiqué son intention d’aménager un parking à proximité de l’avenue du collège, compte tenu des difficultés de stationnement à proximité de la place où se tient le marché hebdomadaire. Si cette délibération est postérieure à la réception par la commune des premières déclarations d’intention d’aliéner adressées à la commune, et si celle-ci ne justifie d’aucun autre document attestant d’une intention préalable d’aménager un tel parking, la commune de Charvieu-Chavagneux, qui n’avait pas à déterminer préalablement les caractéristiques exactes du projet, doit être regardée comme justifiant ainsi de la réalité de ce projet d’aménagement à la date de l’arrêté du 14 février 2017. Par suite, le moyen doit être écarté. » (CAA Lyon, 9 février 2021, SNC Gabriel, req. n° 19LY04728) ;

Liaison routière : « Il ressort des pièces du dossier que le bien est situé au sein d’un ilot foncier d’environ dix hectares, présentant une dynamique importante compte tenu de l’existence de friches de terrain disponibles et de la proximité du centre hospitalier Médipôle. La métropole de Lyon a fait réaliser en 2017 une étude de cadrage urbain, qui si elle a connu des évolutions et n’est ainsi pas totalement fixée, a déterminé la nécessité de renforcer le maillage viaire de cet ilot, dans les scenarii restant à l’étude, notamment par la réalisation d’une liaison nord-sud qui traverserait la partie sud-est de l’ilot où se situe le terrain d’assiette du projet. Dans ces conditions, et même si les caractéristiques de ces voies n’ont pas encore été définies avec précision, ainsi qu’en atteste le compte-rendu de la réunion de travail qui s’est tenue le 4 juin 2018, la métropole de Lyon justifie d’un projet d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, sur le bien préempté. Si la société requérante se plaint de la taille disproportionnée du terrain préempté par rapport à la nature du projet lui-même, une telle circonstance, compte tenu de l’impossibilité légale de limiter une préemption à une partie seulement du bien concerné par la déclaration d’intention d’aliéner et de l’utilisation éventuelle du surplus de terrain pour des aménagements publics, notamment aux abords de la voie en cause, ne suffit cependant pas à remettre en cause l’intérêt général attaché au projet » (CAA Lyon, 18 mai 2021, SCI du 35, rue du docteur Rollet, req. n° 19LY04498

Logements : « La décision attaquée relève que l’acquisition des lots n° 5005, 7001 et 7002 de la copropriété située 71 rue Etienne Dolet à Alfortville sur la parcelle cadastrée AD n°40 permettra la réalisation de logements d’une surface de plancher de 3 300 mètres carrés, soit environ 52 logements, ainsi que la création d’une voirie publique reliant le boulevard d’Erevan jusqu’à la rue Etienne Dolet, conformément à l’orientation particulière d’aménagement  » Carnot  » figurant au plan local d’urbanisme. Il ressort des pièces du dossier qu’une telle opération était prévue depuis plusieurs années, ainsi qu’en attestent, d’une part, l’étude de la zone d’activités  » Les Jardins d’Alfortville  » réalisée en 2015 pour la communauté d’agglomération  » Plaine centrale du Val-de-Marne  » à laquelle a succédé l’établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, d’autre part, une note d’étape rédigée en 2018 et relatant l’état de la réflexion menée notamment par Grand Paris Aménagement et l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France, sur la parcelle concernée et enfin l’étude de faisabilité architecturale effectuée en 2016 par Emerige en partenariat avec la commune d’Alfortville sur la valorisation de cette parcelle. Si la société requérante relève que l’étude de faisabilité prévoyait la création de commerces qui ne sont pas mentionnés dans la décision de préemption, ces commerces ne représentent qu’une superficie résiduelle. Il en résulte, et sans que la société requérante ne puisse utilement se prévaloir de la circonstance que la seule acquisition de trois lots serait insuffisante pour permettre la réalisation du projet compte tenu notamment de la présence d’un bâtiment en copropriété dont la démolition sera ultérieurement nécessaire, que l’établissement public justifiait, à la date de la décision de préemption litigieuse, de la réalité d’un projet entrant dans les prévisions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme. » (CAA Paris, 10 juin 2021, SCI ED, req. n° 20PA02595)

Services techniques : « Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de la réunion qui s’est tenue le 24 février 2017, à l’occasion de la révision du plan local d’urbanisme, que le conseil municipal a considéré que la parcelle considérée  » représente une opportunité à saisir pour la commune d’installer les services techniques municipaux  » et que cette opportunité  » permet de pérenniser la situation des services techniques et évitera à terme à la commune de devoir louer une parcelle bâtie « . Par la délibération du 30 juin 2017, prise à la suite de la réception par la commune, le 29 avril 2017, dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, de la déclaration d’intention d’aliéner la parcelle D 1365 objet de la décision de péremption litigieuse, transmise par le tribunal de grande instance de Lorient, le conseil municipal a rappelé que  » les services techniques municipaux sont aujourd’hui installés dans des locaux trop exigus, qui ne permettent pas de stocker et de sécuriser tout le matériel et les engins des services  » et que  » Tout aménagement ou extension ne peut être envisagé du fait que la commune n’est pas propriétaire du bâtiment. « . Cette délibération précise en outre, que  » La superficie du terrain ainsi que le bâtiment cédé correspondent en tous points aux besoins de la collectivité pour le développement de son équipement public et le fonctionnement de ses services  » et que  » lesdits terrains sont situés à proximité directe du local actuellement loué pour les services techniques. La situation de ces services n’en sera donc pas bouleversée et le déménagement en sera facilité. « . Par ailleurs, il n’est pas contesté qu’à la date de la décision contestée, les services techniques municipaux avaient été transférés dans des locaux, dont la commune était seulement locataire moyennant un loyer annuel de 26 000 euros, implantés sur une parcelle de 23 ares qui se situe, dans la même zone d’activité, à proximité de la parcelle D 1365. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société Lorif, et alors même que la collectivité envisagerait également à plus long terme, l’implantation d’un local associatif, la commune doit être regardée comme justifiant, à la date à laquelle elle a exercé le droit de préemption, de la réalité d’un projet de transfert et d’aménagement de locaux destinés à accueillir les services techniques municipaux » (CAA Nantes, 30 novembre 2021, société Lorif, req.n° 20NT01832).

Benoît Jorion

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public