Quelles sont les conditions de prorogation d’une déclaration d’utilité publique ?

Préemption-décision de préemption

L’article L. 121-4 du code de l’expropriation précisait que « l’acte déclarant l’utilité publique précise le délai accordé pour réaliser l’expropriation. Il ne peut excéder cinq ans ». Cependant, l’article L. 121-5 précisait aussitôt que la déclaration d’utilité publique pouvait être prorogée une fois, pour une durée au plus égale à cinq ans.

Le décret prorogeant les effets de la déclaration d’utilité publique relative au contournement Ouest de Strasbourg a été contesté.

Le Conseil d’Etat pose que, par principe, « l’autorité compétente peut proroger les effets d’un acte déclaratif d’utilité publique, sauf si l’opération n’est plus susceptible d’être légalement réalisée en raison de l’évolution du droit applicable ou s’il apparaît que le projet a perdu son caractère d’utilité publique par suite d’un changement des circonstances de fait. Cette prorogation peut être décidée sans procéder à une nouvelle enquête publique, alors même que le contexte dans lequel s’inscrit l’opération aurait connu des évolutions significatives, sauf si les caractéristiques du projet sont substantiellement modifiées. A cet égard, une augmentation de son coût dans des proportions de nature à en affecter l’économie générale doit être regardée comme une modification substantielle. »

En l’espèce, pour le Conseil d’Etat, « les modifications apportées au projet depuis la déclaration d’utilité publique, qui consistent notamment en des rectifications du tracé, en l’abandon de la possibilité d’élargissement de l’infrastructure à deux fois trois voies, en la création d’un pôle d’échange multimodal et en la reconfiguration de l’échangeur nord ne peuvent être regardées, en l’espèce, comme des modifications substantielles des caractéristiques du projet. L’évolution du coût du projet, qui est de l’ordre de 12 % hors inflation, ne peut être regardée comme affectant son économie générale ». En conséquence, une nouvelle enquête publique n’avait pas à être organisée. (CE, 13 mars 2019, Association Alsace nature, req. n° 418994, mentionné aux tables).

Dans une autre espèce, après avoir repris le même considérant de principe, le Conseil d’Etat a estimé, à propos de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, que : « les modifications apportées au projet depuis la déclaration d’utilité publique, qui consistent principalement en un allongement, sur la partie italienne, de 5 km du tunnel bitube à voie unique traversant le massif alpin, dont la longueur de 52 km initialement prévue est passée à 57 km, ne peuvent être regardées, par elles-mêmes, comme des modifications substantielles des caractéristiques du projet. En outre, il ressort des éléments relatifs au coût estimé du projet sur le périmètre du décret litigieux, calculé en valeur 2012, qu’il était estimé à 6, 019 milliards d’euros en 2006, et à 5,818 millions d’euros lors de la certification des coûts réalisée en 2016, et qu’en tout état de cause, à supposer même qu’il faille prendre en compte le coût des études et travaux de reconnaissance, soit environ 785 millions d’euros, l’augmentation du coût du projet, inférieure à 10%, n’est pas telle qu’elle devrait être regardée comme ayant remis en cause l’économie générale de l’opération. Quant à la participation financière de l’Union européenne, qui s’est engagée à prendre en charge 50 % des études et travaux de reconnaissance et 40 % des travaux définitifs, elle est conforme aux hypothèses les plus optimistes contenues dans le dossier d’enquête publique de la déclaration d’enquête publique du 18 décembre 2007. » (CE, 28 juin 2019, Association Vivre et agir en Maurienne, req. n° 417952).

 

 

Benoît JORION

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public

Benoit Jorion