Quel recours indemnitaire pour le vendeur en cas de de renonciation à acquisition après fixation du prix par le juge de l’expropriation ?

(CAA Nantes, 17 novembre 2020, SCI des Longrais, req. n° 18NT03362)

Le titulaire du droit de préemption, après avoir préempté un bien en dessous de son prix de présentation, peut, si le prix fixé par le juge de l’expropriation ne lui convient pas, renoncer à l’acquisition (Art L. 213-8 du code de l’urbanisme).

Dans ce cas, le vendeur, qui a souvent perdu son acheteur, peut estimer être lésé et souhaiter engager la responsabilité du titulaire du droit de préemption. Dans l’arrêt commenté, de façon classique, après avoir rappelé les termes de l’arrêt Commune de Fayet (CE, 15 mai 2006, commune de Fayet, req. n° 266495, publié au recueil), il est jugé que la décision de préemption n’était pas illégale, fermant ainsi la voie à l’indemnisation pour faute. De façon également classique, quoique plus rare, l’arrêt écarte aussi l’application de la responsabilité sans faute (CE, 7 mai 1986, SA Etudes Malesherbes, req. n° 49938, mentionné aux tables).

De façon innovante, les requérants ont également souhaité contester la légalité de la décision de renonciation à l’acquisition. L’arrêt leur oppose que « Si l’autorité titulaire du droit de préemption a renoncé à acquérir les parcelles devant être cédées à la société Laisne Frères au prix de 133 650 euros fixé par le juge de l’expropriation, qui est inférieur à celui proposé dans la décision de préemption du 24 décembre 2010, il est constant que ce tènement ne présente qu’une contenance de 2 803 m² alors que pour permettre la réalisation de son projet, cette autorité devait acquérir les deux tènements contigus d’une emprise totale de 37 485 m² pour lesquels elle a pris simultanément deux décisions de préemption. Dans ces conditions, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose la collectivité publique pour renoncer à l’exercice du droit de préemption, la métropole  » J…  » n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation. Le détournement de pouvoir allégué n’est pas davantage établi. » Il n’est pas étonnant qu’un large pouvoir d’appréciation soit reconnu en l’espèce au titulaire du droit de préemption. Cependant, les raisons de la renonciation contrôlées en l’espèce laissent entendre que, dans certaines hypothèses, cette renonciation pourrait être fautive.

Benoît JORION

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public