Effets de la renonciation du vendeur avec un référé-suspension contre une décision de préemption

(CE, 29 juin 2020, SCI Eaux douces, req. n° 435502, mentionné aux tables)

 

Le juge administratif du référé peut désormais ne suspendre une décision de
préemption qu’en ce qu’elle permet la libre disposition du bien, soit par le titulaire du
droit de préemption, soit par l’acquéreur initial (CE, 24 juillet 2019, SCI Madeleine,
req. n° 428552, mentionné aux tables).

Le Conseil d’Etat vient d’apporter une nouvelle touche aux relations triangulaires
entre le vendeur, l’acquéreur et le titulaire du droit de préemption en envisageant
l’hypothèse ou, parce que la préemption a été exercée à un prix inférieur à celui de
présentation, le vendeur renonce à vendre. Dans ce cas, il est possible de s’interroger
sur l’intérêt à la fois d’un recours de la part de l’acquéreur et sur les conditions
d’exercice du référé.

D’abord, sans surprise, le Conseil d’Etat admet que la renonciation à vendre ne fait pas
disparaître l’intérêt à contester la décision de préemption : « Si la circonstance que le
propriétaire d’un bien a, à la suite de la réception de la décision de préemption à un
prix inférieur à celui qui figure dans la déclaration d’intention d’aliéner, renoncé à
l’aliénation de ce bien, dans les conditions prévues par ces dispositions, fait obstacle à
ce que le titulaire du droit de préemption en poursuive l’acquisition, la décision de
préemption continue toutefois d’empêcher que la vente soit menée à son terme au
profit de l’acquéreur évincé. »

Ensuite, le Conseil d’Etat n’exclut pas qu’une suspension puisse être prononcée en
référé. Mais, dans ce cas, il n’existe plus de présomption d’urgence au bénéfice de
l’acquéreur évincé : « lorsque le propriétaire du bien préempté renonce, implicitement
ou explicitement, à son aliénation, empêchant ainsi la collectivité publique titulaire du
droit de préemption de l’acquérir, l’urgence ne peut être regardée comme remplie au
profit de l’acquéreur évincé que si celui-ci fait état de circonstances caractérisant la
nécessité pour lui de réaliser à très brève échéance le projet qu’il envisage sur les
parcelles considérée. »

A noter enfin que cet arrêt, rendu à propos d’une préemption au titre des espaces
naturels sensibles, rappelle aussi que rien n’exclut qu’un deuxième référé soit
formé « en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors
même qu’ils auraient pu être soumis dès sa première saisine »

 

Benoît JORION

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public