La jurisprudence Czabaj s’applique par principe en matière de droit de préemption

jurisprudence Czabaj préemption

(CE, 16 décembre 2019, commune de Montreuil, req. n° 419220).

Par un arrêt Czabaj (CA, Ass. 13 juillet 2019, req. n° 387763, publié au recueil), le Conseil d’Etat a limité à un an, sauf exception, le délai pour contester un acte administratif, lorsque, contrairement aux dispositions de l’article R. 421-5 du code de justice administrative, les délais de recours ne sont pas mentionnés dans la décision. Il a posé à cette occasion que : « le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu’en une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable ; qu’en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».

Cette décision, contra legem, rendue au nom de la sécurité juridique, mais immédiatement applicable a été vivement critiquée. Depuis, le Conseil d’Etat en a étendu l’applicabilité.

Comme on pouvait s’en douter, cette jurisprudence a été appliquée au droit de préemption, d’abord par les juridictions administratives du fond, puis par le Conseil d’Etat. En l’espèce, des acquéreurs évincés ont demandé l’annulation d’une décision de préemption. Ils ont obtenu satisfaction en première instance, avant qu’en appel, puis en cassation, il ne soit fait application de la jurisprudence Czabaj. En effet, les acquéreurs, cinq ans après la décision de préemption, avaient écrit à la commune pour demander des informations sur l’état d’avancement du projet, en joignant copie de la décision de préemption, décision qui ne mentionnait pas les voies et délais de recours. Une telle communication établissant qu’ils avaient eu connaissance de cette décision, les acquéreurs ne pouvaient donc pas, ainsi qu’ils l’ont fait, saisir deux ans après le tribunal administratif d’un recours.

 

 

Benoît JORION

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public

Benoit Jorion