Seules les servitudes permanentes peuvent être prise en compte

On sait qu’il n’existe pas de droit au maintien d’une réglementation d’urbanisme. En conséquence, la règle d’urbanisme, qui peut constituer une servitude, et qui comme telle a une conséquence sur l’évaluation d’un bien exproprié, peut évoluer. Il n’est donc pas évident de distinguer entre servitudes permanentes et servitudes temporaires.

Pour autant, la Cour de cassation a décidé de limiter les servitudes devant être prises en compte par le juge de l’expropriation aux seules servitudes permanentes. Tel n’est pas le cas d’un périmètre d’attente d’un projet d’aménagement global, qui est intrinsèquement temporaire.

Ainsi que le pose la Cour de cassation, de façon inhabituellement argumentée pour interpréter l’article L. 322-4 du code de l’expropriation, à propos des servitudes affectant l’utilisation des sols : « 7. Aux termes de l’article L. 322-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, l’évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l’article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l’utilisation des sols et notamment des servitudes d’utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l’expropriant, une intention dolosive. 8. Ce texte ne précise pas si les servitudes devant être prises en compte à la date de référence doivent être permanentes. 9. Au contraire, pour l’évaluation des terrains selon leur usage effectif, l’article L. 322-2 du même code prévoit que seules les servitudes et restrictions administratives affectant de façon permanente l’utilisation ou l’exploitation des biens à la date de référence doivent être prises en compte. 10. Or, il résulte des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, qui a modifié l’article L. 13-15 I., alinéa 1er, devenu L. 322-2 précité, que le législateur a entendu aligner l’évaluation des terrains selon leur usage effectif et celle prévue pour les terrains à bâtir quant à la prise en compte des servitudes. 11. Ainsi, seules les servitudes et restrictions administratives à caractère permanent doivent être prises en compte pour l’évaluation des terrains à bâtir. 12. En conséquence, la servitude tenant à l’existence d’un périmètre d’attente d’un projet d’aménagement global, qui a un caractère provisoire et devient inopposable au propriétaire par le seul écoulement du temps, ne constitue pas un élément de moins-value et n’a pas à être prise en compte pour l’évaluation du terrain. 13. Ayant relevé qu’à la date de référence, fixée au 26 mai 2016, la parcelle de terrain à bâtir était classée en zone constructible UDp3 du plan local d’urbanisme et située dans un périmètre d’attente d’un projet d’aménagement global limitant les possibilités de construction, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que cette limitation provisoire n’avait pas à être prise en compte pour l’évaluation de la parcelle. » (Civ. 3eme, 28 septembre 2023, pourv. n° 22-21.012, publié au bulletin).

Benoît Jorion

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public