Le vice de procédure d’une déclaration d’utilité publique peut être régularisé
Dans l’arrêt Commune de Grabels (CE, 9 juillet 2021, commune de Grabels, req. n° 437634, publié au recueil) le Conseil d’Etat a admis une procédure de régularisation destinée à éviter l’annulation d’une déclaration d’utilité publique.
La jurisprudence vient de donner plusieurs illustrations d’une jurisprudence qui se révèle assez accommodante :
À propos d’une déclaration d’utilité publique portant sur la cession de terrains nécessaires au projet d’aménagement urbain d’une commune, une cour a relevé le vice suivant tenant à un défaut d’information : « 10. La commune de Sorède n’a pas saisi l’autorité environnementale d’une demande d’examen au cas par cas du projet de création d’une voirie publique en méconnaissance de l’article L. 122-1 du code de l’environnement. L’absence de demande d’examen au cas par cas est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de l’enquête publique si elle n’a pas permis une bonne information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la création de cette route aurait été soumise par ailleurs à une demande d’examen au cas par cas, en particulier dans le cadre du plan local d’urbanisme soumis à l’autorité environnementale, ou qu’une dispense d’étude d’impact ait à ce titre été accordée. Par suite, ce vice de procédure est susceptible de nuire à l’information complète de la population et d’avoir exercé une influence sur la décision de l’autorité administrative. »
Toutefois, la cour s’est contentée de sursoir à statuer afin de permettre l’éventuelle régularisation du vice : « 37. L’illégalité mentionnée au point 10 du présent arrêt entachant l’arrêté du 18 décembre 2019 portant déclaration d’utilité publique, est susceptible d’être régularisée par la saisine de l’autorité environnementale dans le cadre d’un examen au cas par cas afin d’obtenir une dispense d’étude d’impact. L’éventuelle décision de dispense d’étude d’impact par l’autorité environnementale devra être communiquée à la cour dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. » (CAA Toulouse, 12 octobre 2023, commune de Sorède, req. n° 21TL04595). A noter que le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté (CE, 17 juin 2024, req. n° 490030).
De même, à propos d’une déclaration d’utilité publique portant sur le projet de réalisation du campus hospitalo-universitaire Grand Paris Nord à Saint-Ouen-sur-Seine et portant mise en compatibilité du plan local d’urbanisme intercommunal, il a été jugé que c’était de façon illégale que le rapport de contre-expertise et l’avis émis par le commissaire général à l’investissement auquel a été soumise évaluations socio-économiques préalables à la réalisation du volet hospitalier du projet n’ont pas été versés au dossier de l’enquête publique.
Toutefois, pour la cour une régularisation est possible : « 27. Aucun autre moyen que le vice relevé au point 10 du présent arrêt n’est susceptible de fonder l’annulation de l’arrêté attaqué. Ce vice de procédure peut être réparé par l’organisation d’une nouvelle consultation de la population, portant sur un dossier d’enquête publique comprenant l’ensemble des documents requis, notamment le rapport de contre-expertise, établi le 21 novembre 2016, et l’avis émis par le commissaire général à l’investissement, rendu le même jour, auxquels a été soumise l’évaluation socio-économique préalable à la réalisation du volet hospitalier du projet de CHUGPN. Eu égard à la nature de la mesure de régularisation ainsi fixée, la décision prise au vu du résultat de la nouvelle enquête publique et corrigeant, le cas échéant, le vice dont est entaché l’arrêté attaqué devra être notifiée à la cour dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt. » (CAA Paris, 24 octobre 2023, APHP, req. n° 23PA03538).
A propos d’un projet de restructuration urbaine à Paris, le Conseil d’Etat, après avoir affirmé la possibilité de mettre en œuvre la procédure de régularisation pour la première fois en appel, l’admet dans l’hypothèse suivante : « 4. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel de Paris a jugé que l’arrêté du 27 mai 2019 était illégal en raison des insuffisances de l’étude d’impact concernant les nuisances sonores et l’inventaire de la flore et de la faune et a alors sursis à statuer pour permettre la régularisation éventuelle de ce vice. Contrairement à ce qui est soutenu, un tel vice est au nombre de ceux pouvant donner lieu à régularisation, sans que la circonstance que cette régularisation puisse impliquer, le cas échéant, la réalisation d’une enquête publique complémentaire soit de nature à y faire obstacle. Par suite, en jugeant que les illégalités relevées étaient susceptibles d’être régularisées, au besoin par la réalisation d’une enquête publique complémentaire, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit. » (CE, 11 décembre 2023SCI Safa, req. n° 466593, mentionné aux tables).
A l’inverse, dans des circonstances qualifiées par l’arrêt de « très particulières », une cour estime que la régularisation n’est pas possible et annule l’arrêté de cessibilité : « 8. En l’espèce, la déclaration d’utilité publique dont l’illégalité est retenue par la voie de l’exception est devenue définitive. Les expropriations permises par la déclaration d’utilité publique ont été effectuées, ce qui affecte la composition du public concerné, et ne donnerait pas à ce dernier la possibilité de participer à un moment approprié. La mise à disposition de la nouvelle étude d’impact et de l’avis de l’Autorité environnementale n’interviendrait pas dans un délai raisonnable. Il suit de là que, dans les circonstances très particulières de l’espèce, le vice retenu n’a pas été régularisé et n’est plus susceptible de l’être. » (CAA Marseille, 5 juin 2023, SCI Les marchés méditerranéens, req. n° 22MA02201).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public