Quelles sont les conditions pour proroger le délai pour préempter
L’article L. 213-2 du code de l’urbanisme prévoit que « le délai est suspendu à compter de la réception de la demande (de communication de documents) ou de la demande de visite du bien ». Un arrêt de cour donne une intéressante précision lorsque, pendant que le délai avait été prorogé par une demande de communication, le titulaire du droit de préemption a adressé une demande de visite. Cette demande de visite avait donc été formée dans le délai de préemption, mais en dehors du délai initial de deux mois.
La cour pose le principe suivant : « 3. Il résulte de ces dispositions que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l’objet d’une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, le cas échéant suspendu par une demande unique de communication de documents ou une demande de visite du bien, s’ils peuvent ou non poursuivre l’aliénation entreprise. Si les dispositions précitées n’interdisent pas à l’autorité titulaire du droit de préemption de formuler à la fois une demande de communication de documents ainsi qu’une visite du bien, ces demandes ne sont susceptibles de suspendre le délai de deux mois d’exercice du droit de préemption qu’à condition d’avoir été formées elles-mêmes dans ce délai. »
En conséquence, elle annule la décision de préemption comme prise hors délai : « 4. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la déclaration d’intention d’aliéner portant sur la parcelle litigieuse a été reçue par la commune de Poissy le 13 janvier 2021. La communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, alors titulaire du droit de préemption urbain, avant de déléguer celui-ci à la commune de Poissy par délibération du 25 mars 2021, a formulé, par un courrier du 5 mars 2021 notifié le 12 mars suivant au notaire de la propriétaire du bien, une demande de pièces complémentaires. Ces documents ont été transmis par lettre recommandée avec accusé de réception, et reçus par la communauté urbaine le 15 mars 2021. Ainsi, le délai d’exercice du droit de préemption, qui avait été suspendu à compter du 12 mars 2021, alors que le délai restant était inférieur à un mois, a repris à compter du 15 mars 2021 pour expirer le 15 avril 2021 à minuit. Si la commune de Poissy a ensuite adressé à la propriétaire de la parcelle, par courrier du 29 mars 2021 reçu le 2 avril suivant, une demande de visite du bien, celle-ci, intervenue postérieurement au délai initial de deux mois, n’a pu avoir pour effet de suspendre à nouveau le délai de préemption. Dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la décision attaquée, datée du 4 mai 2021 et notifiée le 11 mai suivant à Mme B, Me Aujay et à la SCI Sami, puis transmise au préfet le 6 mai 2021, était intervenue après expiration du délai d’exercice du droit de préemption, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme. » (CAA Versailles, 22 décembre 2023, commune de Poissy, req. n° 22VE00861).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public