Seul le propriétaire peut valablement adresser une déclaration d’intention d’aliéner

Il peut sembler aller de soi que seul le propriétaire d’un bien puisse déclarer son intention de l’aliéner. Il peut arriver cependant qu’un débat sur le propriétaire conduise à s’interroger sur la légalité de la décision de préemption.

En l’espèce, une décision judiciaire avait déclaré parfaite la vente intervenue entre un propriétaire initial et un nouveau propriétaire. Néanmoins, une déclaration d’intention d’aliéner au nom du propriétaire initial avait été envoyée à la commune. Tout en rappelant la possibilité de préempter un bien auquel elle avait renoncé et la réticence à faire dépendre la légalité d’un acte administratif du contenu de l’acte de droit privé qu’est la déclaration d’intention d’aliéner, le Conseil d’Etat n’en marque pas moins une limite : la déclaration d’intention d’aliéner doit émaner du propriétaire.

Pour le Conseil d’Etat : « 10. Il résulte de ces dispositions, en premier lieu, que le titulaire du droit de préemption sur un bien ne saurait légalement l’exercer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la déclaration d’intention de l’aliéner a été faite par une personne qui, à la date de cette déclaration, n’est pas propriétaire du bien. Il en résulte, en second lieu, que la réception d’une déclaration d’intention d’aliéner ouvre au titulaire du droit de préemption, alors même qu’il aurait renoncé à l’exercer à la réception d’une précédente déclaration d’intention d’aliéner portant sur la vente du même bien par la même personne aux mêmes conditions, un délai de deux mois pour exercer ce droit. La circonstance que la déclaration d’intention d’aliéner soit incomplète ou entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou sur les conditions de son aliénation est, par elle-même, et hors le cas de fraude, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption prise à la suite de cette déclaration.11. En l’espèce, la réception d’une déclaration d’intention d’aliéner le 24 août 2021 ouvrait ainsi en principe à la commune de Rémire-Montjoly, autorité titulaire du droit de préemption urbain, la possibilité d’exercer légalement ce droit, alors même qu’elle avait renoncé à l’exercer à la réception d’une précédente déclaration d’intention d’aliéner portant sur la vente du même bien par la même personne aux mêmes conditions. Il résulte toutefois de l’instruction qu’à la date de cette déclaration, faite par la collectivité territoriale de Guyane, la vente réalisée auparavant au profit de M. B avait été jugée parfaite par le tribunal judiciaire de Cayenne. Si, en l’état de l’instruction, il n’est pas établi que ce jugement soit devenu définitif, le moyen tiré de ce que la déclaration d’intention d’aliéner n’émanait pas du propriétaire du bien préempté est par suite propre, en l’état de l’instruction et eu égard à l’office du juge des référés, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. » (CE, 1er mars 2023, commune de Remire-Monjoly, req. n° 462877, mentionné aux tables)

Benoît Jorion

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public