L’expropriation peut se révéler inutile…

Le projet de protection et d’exploitation d’un site de captage d’eau donne un exemple – rare – d’un projet inutile : « 5. L’opération projetée sur les parcelles concernées par les arrêtés attaqués a pour objet la maîtrise foncière des terres où se situent les ouvrages de captage et de traitement de l’eau de la rivière Punaru’u, dans la commune de Punaauia, au profit du syndicat intercommunal Te Oropaa, en vue d’assurer la sécurité et l’entretien du site, le développement de son exploitation par l’implantation de nouveaux ouvrages, et sa valorisation. Si une telle opération répond à un objectif d’intérêt général, il ressort en revanche des pièces du dossier que l’expropriant était en mesure de la réaliser dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, dès lors que les terrains concernés sont classés en zone naturelle NCEc du plan d’aménagement de Punaauia, ce classement impliquant la protection du captage d’eau et l’entretien des abords de la rivière, auquel procède déjà le syndicat, qui a en outre conclu en 1983 avec les propriétaires et ayants droit des parcelles des conventions de passage permettant l’implantation et l’exploitation des différents ouvrages de production d’eau potable. Enfin, le périmètre de l’expropriation comprend des parcelles sans rapport avec les objectifs de l’opération projetée dans la mesure où le syndicat intercommunal à vocation unique Te Oropaa souhaite y aménager des structures d’accueil à destination d’un public scolaire, mission pédagogique qui ne relève pas des compétences qui lui ont été confiées par l’arrêté n° 56 BAC du 3 janvier 1974, qui dispose en son article 1er qu' » [i]l est créé entre les communes de Paea, Punaauia et Faaa, un syndicat intercommunal qui prendra le nom de syndicat  » te oropaa  » , et dont le siège est fixé à la mairie de Punaauia, en vue de gérer, entretenir et améliorer les installations de captage, d’adduction et de distribution publique de l’eau potable, conformément aux dispositions, des délibérations concordantes des conseils municipaux des communes adhérentes « . Dans ces conditions, le caractère d’utilité publique de l’opération projetée ne peut être regardé comme établi. L’arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le haut-commissaire de la République en Polynésie française a déclaré d’utilité publique la protection et l’exploitation du site de captage et de traitement de la rivière Punaru’u dans la commune de Punaauia par le syndicat intercommunal Te Oropaa et a ordonné la cessibilité d’une partie des terres  » Manua-Vaimoora  » est donc entaché d’illégalité ainsi, par voie de conséquence, que l’arrêté du 3 septembre 2020 par lequel le haut-commissaire de la République en Polynésie française a ordonné la cessibilité d’une partie des terres Paoa-Teaamara, Manua-Vaimoora et Tehaunatahua. » (CAA Paris, 6 mars 2023, req. n° 21PA00484).

Benoît Jorion

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public