Le refus de rétrocession d’un bien illégalement préempté peut être légal
Dans trois arrêts du 28 septembre 2020, le Conseil d’Etat avait rétabli la prise en compte de l’intérêt général pour apprécier l’opportunité d’enjoindre ou non la rétrocession d’un bien illégalement préempté (Cf notamment, CE, 28 septembre 2020, Ville de Paris, req. n° 436978, publié au recueil).
Une cour vient de donner une nouvelle illustration de la possibilité – rare – de ne pas enjoindre de rétrocéder un bien illégalement préempté du fait des travaux substantiels réalisés entre temps : « 7. Il résulte de l’instruction que, pour justifier sa décision de préempter les parcelles en litige, le président de Montpellier Méditerranée Métropole a indiqué, d’une part, que le site industriel vendu par la société Arman F 21 permettrait de répondre, après réaménagement et raccordement aux réseaux, à la demande élevée des entreprises en recherche de terrains sur la partie ouest du territoire métropolitain et, d’autre part, qu’une partie de ce site pourrait servir à installer un centre technique regroupant les équipes techniques de la métropole affectées au secteur de la « plaine ouest ». Il ressort notamment du procès-verbal de constat établi par un huissier le 24 juin 2022 ainsi que des nombreuses factures produites au soutien de la requête que Montpellier Méditerranée Métropole a déjà réalisé des travaux substantiels pour réaménager les installations existantes, à hauteur de 2,03 millions d’euros, ainsi que pour raccorder le site aux réseaux d’eau et d’assainissement, à hauteur de 1,40 million d’euros. Il en ressort également que les services techniques de la métropole sont déjà installés sur le site et qu’ils y occupent une partie significative des bâtiments réaménagés. Dans ces conditions, eu égard aux sommes importantes investies par Montpellier Méditerranée Métropole sur ce site et compte tenu de la nature de la seule illégalité entachant la décision de préemption, telle que rappelée au point 3 du présent arrêt, le rétablissement de la situation initiale, par la rétrocession des parcelles à leur ancien propriétaire ou à l’acquéreur évincé, porterait à l’intérêt général une atteinte excessive qui ne serait pas justifiée par l’intérêt qui s’attache à la disparition des effets de la décision annulée, notamment pour la société Multi Trans Route et son projet de relocalisation de ses activités. Dans les circonstances de l’espèce, l’appelante est donc fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont fait droit aux conclusions en injonction présentées par cette société. » (CAA Toulouse, 6 avril 2023, Montpellier Méditerranée Métropole, req. n° 22TL21608).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public