En cas de préemption d’un fonds de commerce, il faut aussi un projet suffisamment réel et un intérêt général
La préemption des locaux artisanaux, des fonds de commerce et des baux commerciaux obéit à un régime juridique particulier, distinct notamment du droit de préemption urbain. Sa particularité est notamment que le bien n’a pas vocation à être conservé. Sa particularité est aussi que le but de l’exercice du droit de préemption dans ce cadre n’est pas défini par la loi. Le maintien de la diversité commerciale, souvent invoqué en la matière, n’y figure même pas.
La loi est lacunaire et la jurisprudence peu abondante. En conséquence, un certain nombre d’incertitudes existent sur le régime juridique de ce type de préemption. Pour autant, la jurisprudence, lorsqu’elle a eu à se prononcer sur des décisions de ce type, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, a assimilé le régime applicable au droit de préemption urbain à ce nouveau régime de préemption (CE, 21 mars 2008, Société Megaron, req. n° 310173, publié aux tables).
Se posait cependant la question de savoir si une telle décision de préemption devait justifier d’un projet suffisamment réel et répondre à un intérêt général suffisant comme c’est le cas pour le droit de préemption urbain. Le Conseil d’Etat, saisi en référé, a répondu de façon positive à cette question : « 5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les collectivités titulaires du droit de préemption mentionné au point 3 peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien, en l’occurrence le fonds artisanal ou commercial ou le bail commercial, faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant » (CE, 15 décembre 2023, société NM Market, req. n° 470167, mentionné aux tables).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public